Sébastien Audigane portraitSébastien Audigane portrait
Sébastien Audigane – La Trinité face au bateau Idec Sport - Crédit photo : BR 2017

« C'est brutal ! » 15 jours après avoir posé pied à terre, Sébastien Audigane, grande silhouette aux épaules larges et regard franc ne pense qu'à une chose : y retourner... Durant 40 jours et 23 heures, il a été l'un des membres d'une équipe parfaite, dans des conditions idéales, un Trophée Jules Verne remporté en deux fois moins de temps que ne l'avait rêvé Jules Verne lui-même !

La silhouette du bateau Idec Sport se dessine un peu plus loin, dans le port. Je rencontre Sébastien à La Trinité sur Mer  dans un café au parquet collant, lumière basse et vieux canapé en cuir craquelé... Un gros chien jaune dort près de la cheminée qui ne fume plus depuis la veille... « Vivre en mer, c'est la liberté totale, et regarder les grands albatros, les gros poissons évoluer librement, c'est ça que j'aime... » Quand il raconte sa traversée, Sébastien pense tout de suite à son enfance et les premières sensations sur l'eau. Accompagné de son grand-père, du côté de Brest, qui lui a transmis le virus de la voile et de la plaisance,  il raffistolait des bateaux en bois pour naviguer. « Mon goût pour la liberté, s'est forgé à ces moments-là...Quand tu as 6 ou 7 ans et que tu es à la barre de ton bateau, forcément, tu as envie d'aller un peu plus loin qu'hier ! ». Pour ses 12 ans, on lui offre un Corsaire, - comme quoi, le hasard n'existe pas ! - Sébastien Audigane est aussi nourri par ses lectures d'enfance : récits d'aventure et les grandes épopées maritimes du 18ème siècle avec son lot de pirates et corsaires, qui lui ont donné envie de prendre la mer, « faire le tour du monde, c'est abstrait pour le jeune homme que j'étais, mais quand tu vois Kersauzon partir de Brest puis revenir deux ou trois mois plus tard, tu as envie d'avoir cette vie-là ! » La régate et l'idée d'en découdre viennent très vite après : il rencontre Jean-Yves Le Déroff, entraineur émérite, qui l'accompagne et l'entraine, Sébastien Audigane remporte ses premières régates sur Laser et se fait vite remarquer...et embarquer.
Olivier de Kersauson, justement, le prend comme équipier sur Géronimo. La boucle est en train de se boucler... Sébastien embarque pour les Grands Records : Tours du Monde et Traversées de l'Atlantique Nord. Il est récipendiaire de nombreux records, et son CV devient impressionnant... Mais Sébastien Audigane garde la tête froide, ses valeurs sont ancrées pour toujours : être un homme libre, loyal, attentif au monde qui l'entoure. « Prendre la mer, ce n'est pas une fuite, c'est d'abord une passion, une façon de vivre...Et je ne suis pas dupe, la Société, les sponsors, les médias, nous les marins, on en a besoin, ce sont des moyens pour arriver à notre essentiel : naviguer. Et c'est quand tu es sur l'eau, même à 38 nœuds de vitesse que tu vois bien que le monde ne tourne pas rond. Tu vois bien que dans des coins non autorisés pour la pêche industrielle, il y a quand même une armada de bateaux de pêches impressionnants, comme une ville sur l'eau... Ces bâteaux n'ont rien à faire dans cet endroit et personne ne dit rien... »

Sébastien Audigane et ses co-équipiers sont des champions, bien sûr, mais aussi des témoins de notre monde ? « C'est toujours le même truc : transmettre, raconter au plus jeunes, donner le goût de l'aventure, de prendre ses rêves pour des réalités, c'est ça qu'on donne aux gens...Pas plus... »

Revenons à ces 40 jours de dingue : comment vit-on en équipe sur un engin qui trace à 35 nœuds de moyenne ? « c'est pas compliqué : on aime tous faire ça, et puis chacun de nous a des compétences et un savoir-faire qui, réunis, font que le bateau est à son maximum...Nous étions tous complémentaires, c'est comme une entreprise familiale ! Et l'instinct de Francis (Joyon, ndlr), imparable, efficace, tout en douceur mais qui vous entraine dans son envie d'aller plus vite, alors qu'on est déjà à 38 nœuds !! »

Sébastien Audigane - Trophée Jules VerneSébastien Audigane - Trophée Jules Verne
Crédit photo : Idec Sport – Sébastien Audigane, 2ème à droite au premier plan, en bonnet. Cap Horn.

Sébastien aime aussi le beau. Naviguer sur de belles unités, des bateaux exceptionnels, avec leur histoire... Il en a l'occasion quand il navigue dans le sud de la France sur des goëlettes ou des ketchs, appartenant à de riches propriétaires, une autre façon de prendre la mer tout en gardant en tête l'esprit de la plaisance. « Cet esprit tend à disparaître, des marins comme Tabarly, Gahinet, Riguidel, et Peyron en sont les figures. Mais je croise sur la grève ou dans les ports des marins qui en sont encore les gardiens, et ça fait du bien. La tradition, les valeurs, la solidarité et la fraternité des marins, ça fait tenir debout et avancer. »


A 49 ans en Mars prochain, ses convictions et envies sont restées intactes : il sait d'où il vient et il sait où il va, même si parfois, c'est le vent qui le mène...